CHAVANET Roger
par
OFFICIER DE LA LEGION D’HONNEUR
CROIX DE GUERRE AVEC PALMES
MEDAILLE DE LA RESISTANCE
CREATEUR ET COMMANDANT DU CAMP DESTHIEUX, UN DES PREMIERS MAQUIS DU RHONE, POSITIONNE DANS LA VALLEE D’AZERGUES À L’OUEST DE LYON
Né le 30 avril 1915 à Troyes dans l’Aube, au sud de la terre champenoise où il passera son enfance, Roger Chavanet se fera remarquer très tôt ; enfant volontaire et intelligent il sortira premier du canton au Certificat d’Etudes, ce qui reflétait pour l’époque un goût du travail bien fait, des aptitudes à l’étude et à la réflexion, un sérieux dans son comportement qui le faisait apprécier de tous ses camarades. Son goût pour la nature et l’environnement le dirigeait vers des études d’agronomie, mais différents changements dans sa vie familiale l’amenèrent à 16 ans à quitter sa famille et à s’installer à LYON chez son oncle Armand Chavanet. La grande ville s’offre à lui avec ses perspectives d’avenir mais aussi de troubles. Il est à l’âge où sa soif de connaissances et l’amour des livres lui fait tout dévorer, de Jules Verne à Victor Hugo, de Balzac à Zola sans oublier la poésie dont il poursuit la lecture à la bougie jusque tard dans la nuit. Il travaille dans différents secteurs du bâtiment où s’affirment ses qualités de chef. Mais cette période est à l’aube de bien des changements De l’autre côté de la frontière on entend déjà le bruit des bottes nazies, alors qu’en France c’est le Peuple qui gronde.
Surviennent les grèves de 1936 où soufflent les grands courants de pensées humanitaires. Roger Chavanet ne reste pas insensible à ces évènements.Son époque il la vit intensément, ce combat c’est le sien ; il se reconnaît dans la défense des valeurs de droit et de liberté pour les masses populaires prônées par ses leaders et milite avec eux pour la justice et l’égalité.
2 – LA GUERRE DE 39-45 ET LE MAQUIS
En Septembre 1939 la France et la Grande Bretagne déclarent la guerre à l’Allemagne qui vient d’envahir la Pologne. Roger Chavanet est mobilisé avec la classe 15 sur la ligne Maginot. Ces fortifications sont censées arrêter toute invasion germanique à l’instar de la grande Muraille de Chine .Commencent alors des mois difficiles, comme dans le DESERT DES TARTARES, l’ennemi ne viendra pas, il passera par la frontière belge laissée sans protection. En Juin 40, c’est l’exode. Roger Chavanet subit la retraite avec sa division sur l’Ailette, région où avait combattu son père lors de la guerre de 1914-1918. Chargés dans des camions, entassés dans des wagons, les soldats quittent la ligne Maginot. Comme beaucoup d’entre eux, Roger Chavanet se retrouvera dans une caserne à Montpellier. Il y fait une chaleur étouffante, le ravitaillement n’arrive pas, l’incompréhension et la grogne se font jour dans les chambrées ; enfin, c’est la démobilisation, muni de son léger pécule remis par l’armée Roger Chavanet remonte à LYON.
Cette nouvelle expérience faite de souffrances et d’humiliation pour son Pays, pour ses camarades, le conforte dans ses sentiments patriotiques et humains. Il reprend son travail et renoue peu à peu ses contacts au cœur de la grande cité. Un jour, c’est la rencontre avec Rita, la femme qui partagera sa vie. C’est une jeune ouvrière, charmante et vive qui prend soin de son père et de ses frères depuis le décès de leur mère. En Septembre 1941 il l’épouse et en Décembre 1942 naîtra une fille Liliane.
Les Allemands envahissent la zone sud française non occupée. En 1943 le gouvernement de Vichy instaure le service du travail obligatoire pour les jeunes français qui doivent partir travailler pour les usines allemandes. Cette perspective est odieuse à tous comme à Roger Chavanet.Ses contacts l’amènent à militer dans les Compagnies de ville FTPF constituées de groupes armés. En Mars 43, sous le pseudonyme de « Lombard » il est chargé par l’Etat Major Inter-Régional FTPF de rassembler tous les groupes épars et de leur donner une impulsion nouvelle en coordonnant leurs actions dans le groupe « Guy Mocquet ». S’engage alors les actes de résistance à l’ennemi relatés dans son livre « HISTOIRE VECUE DES MAQUIS DE L’AZERGUES ». Une terrible répression s’abat sur eux, des arrestations suivies d’exécutions sommaires privent l’unité d’hommes courageux qui donnent leur vie pour leur idéal et leur Patrie Il faut donc trouver un autre champ d’action, d’autres objectifs pour continuer la lutte ; il faut fonder un maquis, c’est ce que va faire Roger Chavanet en trouvant refuge dans la Vallée d’Azergues située dans l’ouest lyonnais à une trentaine de kilomètres de la Capitale des Gaules.
3 – PREMIER MAQUIS AU GUERRY
C’est sur un vieux vélo grinçant qu’en ce mois de Septembre 1943 où les vignes rougeoyantes allaient être dépouillées de leurs grappes, que Roger Chavanet, sous le nom de GUERIN, fit la route qui l’amena de LYON à CHAMELET. C’est un charmant village rural de la vallée peuplé d’habitants travailleurs et aguerris au dur métier de la vigne cultivée sur des pentes escarpées. Son contact dans la région, le décrit ainsi : « un homme grand et robuste avec un regard franc … », lui fait visiter le GUERRY, un hameau isolé et modeste perdu au bout de sentiers caillouteux. D’une éminence proche on découvre tous les lacets de la route qui s’étire au- dessous d’eux. Cette position paraît intéressante à GUERIN qui décide d’y implanter son maquis. Il le nomme « Camp Desthieux » du nom d’un patriote lyonnais fusillé par les allemands en Mai 1943. Créer un maquis en 1943, dit Roger Chavanet dans son livre « Histoire Vécue des maquis de l’Azergues » ce n’était ni facile, ni trop difficile. Encore fallait-il pouvoir le maintenir, le diriger, et pour cela savoir s’entourer de garçons résolus qui remplaçaient la science militaire classique par une nouvelle conception stratégique, s’identifiant aux conditions du moment, tenant compte du rapport des forces avec l’ennemi, de l’environnement et du manque de matériel et d’armement. L’armement, un souci majeur pour « GUERIN ».Combien de résistants tombés, les mains crispées sur une mitraillette au chargeur vide, combien de partisans envoyés en mission avec une arme dérisoire. Il fallait que l’objectif, participer à la libération de la France soit réalisé. De sabotages en accrochages, les péripéties multiples liées à la traque organisée par l’ennemi, les attaques meurtrières, la perte de camarades ressentie comme une immense douleur mêlée de rage, rien n’entamera la détermination de « GUERIN ». Avec les compagnons qui l’ont rejoint, il mène des expéditions pour récupérer des armes, des explosifs, qui serviront dans le sabotage des voies de chemins de fer empruntées par les convois militaires allemands et toutes les opérations de harcèlement contre l’adversaire. Roger Chavanet relate avec passion chaque action couronnée de succès et laisse une grande place dans son livre aux témoignages de ceux qui, de près ou de loin ont accompli pour le maquis les actions les plus courageuses. Jusqu’à ce jour du 22 Avril 1944. Il fait un temps superbe en cette matinée du 22 Avril 1944 ; assise devant la fenêtre, Rita l’épouse de « GUERIN » est occupée à recoudre un drap. Soudain, l’aiguille lui échappe des mains, une terrible angoisse l’envahit, le pressentiment de la catastrophe tant redoutée à laquelle elle ne veut pas croire. Mais la prémonition est exacte : Attaqués par une patrouille allemande, GUERIN et ses hommes contre attaquent. Au moment où l’ennemi s’enfuit à travers bois, un allemand caché derrière un arbre vise GUERIN et la balle le traverse du flanc gauche au flanc droit. Sous le choc, le blessé s’effondre, la balle en éraflant la moelle épinière le laisse paralysé à terre. Pendant que les allemands se dispersent abandonnant véhicule et armes, GUERIN est aussitôt placé par ses compagnons dans la voiture allemande. Devant la gravité de la blessure le Docteur FRANCOZ chez qui il a été transporté, l’adresse à une clinique privée où il sera soigné clandestinement par le Professeur ARNULF. C’est un homme en état de choc, aux vêtements souillés de terre et de sang, reposant sur un brancard mystérieusement déposé sur le perron de la clinique, que les sœurs découvriront dans la nuit. Le Professeur ARNULF dans son livre « Un chirurgien dans la tourmente » relate les faits : « Dès mon arrivée, je fais transporter ce blessé grave dans une salle de pansements où je puis l’examiner ; il s’agit d’un homme jeune, pâle, aux traits tirés. Le premier examen décèle une paralysie complète des deux membres inférieurs et une plaie par balle transfixiante dont l’entrée est apparente dans le flanc gauche à hauteur des premières vertèbres lombaires et la sortie en arrière du flanc droit au niveau de la crête iliaque ; la colonne vertébrale et la moelle ont été touchées expliquant la paralysie. Quand le blessé se réveille, j’apprends qu’il s’agit du Commandant GUERIN chef d’un groupe de francs-tireurs partisans. Il aura la vie sauve, mais au prix d’une paralysie des jambes qui grâce à sa ténacité et à une rééducation méthodique régressera progressivement par la suite ». Mais pour GUERIN, le pronostic est terrible, il ne retrouvera plus l’usage total de ses jambes A 29 ans l’alternative est cruelle. Ses pensées vont au maquis où un nouveau chef a été nommé dans l’urgence. Jamais les paroles du CHANT DES PARTISANS ne lui ont semblées plus vraies « Ami, si tu tombes, un Ami sort de l’ombre, à ta place … » Le maquis poursuivra ses actions contre l’envahisseur et, regroupé dans le bataillon 14 JUILLET participera à la libération de LYON. La guerre n’est pas finie, aucun maquisard n’est à l’abri d’une dénonciation, c’est dans la clandestinité qu’il est transporté à DIEME, petit village du lyonnais où sous le nom de « MARIN » avec son épouse et sa fillette, aidé par de fidèles amis auxquels il rend un vibrant hommage dans son livre « HISTOIRE VECUE DES MAQUIS DE L’AZERGUES » qu’il pu poursuivre sa longue convalescence jusqu’à la libération de LYON, où il réintègrera sa véritable identité A la libération, il y eut les morts que l’on honorait, les traîtres que l’on châtiait, les joyeuses farandoles de ceux qui s’en étaient sortis et ceux qui dans leurs lits rongés par la souffrance étaient tentés par le désespoir. Le commandant GUERIN, lui l’homme d’action qui menait ses hommes au combat, à présent soutenu par deux béquilles, refuse la fatalité. Chaque jour, fournissant de terribles efforts, il réapprend à marcher, d’abord chancelant, puis se raffermissant. 1l pourra progressivement abandonner les béquilles, mais conservera sa vie durant une canne pour l’aider à marcher, de hautes chaussures orthopédiques qu’il laçait et délaçait chaque jour avec application et des souffrances quasi quotidiennes occasionnées par sa blessure. L’euphorie de la Libération passée, il fallut chercher un travail. Un petit garçon prénommé Michel était né en 1946.
La vie civile reprenait ses droits, marquée par les stigmates de l’occupation. Roger Chavanet est toujours immobilisé sur son lit, lorsque les membres de l’Etat Major Militaire viennent le visiter à son domicile. Ils doivent définir les grades à officialiser pour l’action des Combattants de l’Ombre. Ils proposent donc à Roger Chavanet de lui reconnaître le grade de Commandant pour la création du Maquis et la direction du Camp DESTHIEUX. A la surprise générale, il refuse la proposition en expliquant qu’il a fait son devoir non pas pour obtenir honneurs et prébendes, mais pour la défense de son pays comme n’importe quel soldat. Il faudra toute la persuasion de son épouse et du Colonel délégué de l’Etat Major pour qu’il accepte de recevoir le grade de Commandant qui lui a été attribué. Déclaré Grand Invalide de Guerre, il sera élevé au rang d’Officier de la Légion d’Honneur, recevra la Croix de Guerre avec Palmes, la Médaille de la Résistance et diverses citations à l’Ordre de la Nation Les jours si intenses du maquis, Roger Chavanet ne les oubliera jamais. Toujours fidèle à la mémoire des amis tombés pendant les heures sombres de l’Occupation, il se dévouera pour ceux qui, ayant perdu un membre de leur famille où désirant la reconnaissance de leur action, viendront lui demander aide et conseil. En 1964, des Anciens des Maquis de l’Azergues décidèrent de fonder une Amicale dans le but d’organiser des cérémonies et sorties souvenirs sur les lieux victimes de la barbarie nazie. Avec l’aide de nombreux membres de cette Amicale, des monuments furent érigés sur les lieux des combats portant les noms des compagnons morts pour la France où sont célébrées des commémorations réunissant les familles. Début 1981, il entreprend un long travail de mémoire en rédigeant « HISTOIRE VECUE DES MAQUIS DE L’AZERGUES » réunissant documents et témoignages de l’époque.
Il signe le 16 Mai 1982 le premier livre attestant des combats et de la Résistance de tous ceux qui, dans la vallée d’Azergues, avaient refusé la collaboration avec l’Allemagne nazie. Dévoué à l’Amicale qu’il présidera de longues années, jusqu’à son décès en Janvier 1997, quelques mois avant sa quatre vingt deuxième année, la vie de Roger Chavanet nous rappelle que les sacrifices consentis pour la Patrie porteront de nouvelles vendanges à ceux qui ont bu le vin généreux de la Victoire.
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